Il faut élire des maires dans les quartiers

par Gilles Rabin et Luc Gwiazdzinski

Paru dans Libération, édition du 4 janvier 2010

«Trop de proximité et trop de distance empêchent la vue» (Pascal)

Depuis des années, les Français défendent avec raison leurs 36 000 communes, «échelons de base de la démocratie», et leurs maires garants d’une République chaude à visage humain. L’identité de la France et ses performances tiennent aussi à ce maillage fin associé à un engagement territorial de l’Etat, seul garant d’un intérêt général qui ne peut se définir à l’échelon local. Ce qui est vrai en milieu rural l’est tout autant en milieu urbain, espace de vie d’une large majorité de la population. Il est temps d’approfondir la loi PLM (Paris-Lyon-Marseille) et de l’étendre à l’ensemble de nos villes. Mettons en place des circonscriptions électorales de base à l’échelle de quartiers de 20 000 à 50 000 habitants avec à leur tête un maire élu et des moyens et compétences proches de celles des communes rurales.

Soyons cohérents ! Pourquoi défendre les maires des petites communes rurales et n’en élire aucun dans les quartiers urbains ? Quels que soient son énergie et son talent, le maire d’une grande ville est loin de ses concitoyens. Soyons réalistes ! Les «conseils de quartiers» et les élus du même nom restent des pis-allers. La crise est particulièrement profonde dans les quartiers périphériques, où nombre de personnes ne votent plus, faute de croire encore aux grands discours, et où les autres ne votent pas, faute d’en avoir jamais obtenu le droit. Comment se sentir citoyen dans ces conditions ? Comment s’étonner que le malaise s’exprime parfois dans la rue ? L’élection de maires de quartiers au suffrage universel permettrait à chacun de s’engager à un coût raisonnable sans l’aide des grands partis. Elle faciliterait l’émergence d’une classe politique à l’image de la France d’aujourd’hui, en évitant les bricolages de la discrimination positive. La campagne électorale serait l’occasion de vrais débats locaux tout en inscrivant le quartier à l’échelle des enjeux métropolitains. Les citoyens pourraient se tourner vers leur élu de proximité, le croiser en journée dans la rue, plutôt qu’en soirée sur les écrans. Enfin, comme en milieu rural, ce dispositif permettrait d’initier des politiques de développement local urbain en s’appuyant sur la légitimité d’un élu représentatif plutôt que sur des associations parfois fragiles, que les partis savent si bien instrumentaliser au gré des élections. Ici et là, en ville et en campagne, développons cette proximité et cette chaleur démocratique locale, aux côtés des intercommunalités de projets et d’un Etat proche mais à la froideur régalienne.

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